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Les disparités dans l’intervention en protection de la jeunesse

Le webinaire proposé par le Collectif petite enfance, dans le cadre de la 9ème édition de la Grande semaine des tout-petits, a ouvert une discussion sur les iniquités présentes dans le système de la protection de la jeunesse au Québec.
Animé par Tonino Esposito, professeur agrégé et titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les services sociaux – École de travail social – FAS – Université de Montréal, et André Lebon, ex vice-président de la Commission spéciale sur les droits des enfants et la protection de la jeunesse (rapport Laurent).
Cet événement a permis de poser un regard critique sur les disparités régionales, les défis structurels et l’importance de la prévention dans l’approche sociale.

Nous vous proposons, ici, un résumé des sujets phares discutés:

Maltraitance : un symptôme de problèmes plus profonds

Pour Tonino Esposito, la maltraitance chez les enfants ne représente pas seulement un échec du système de protection, mais elle est également la résultante de problèmes sociaux conjugués à des choix de politiques de santé publique.
Selon lui, les conditions de vie défavorables, notamment pour les enfants vivant dans des milieux à faible revenu, peuvent réduire de 20 ans leur espérance de vie. Ces réalités sont exacerbées par une iniquité dans l’accès aux services de soutien et d´accompagnement des familles, un problème particulièrement aigu dans certaines régions du Québec. Le manque d’accès à des services adaptés met en lumière des différences considérables entre les zones urbaines et rurales.

Dans ces régions, la maltraitance et la négligence sont souvent exacerbées par des facteurs socioéconomiques cumulés, où la pauvreté et l’isolement social se croisent pour créer un cercle vicieux. La question fondamentale reste : comment briser ce cercle ? La réponse réside, selon Esposito, dans un système de prévention plus développé et robuste, avant que la situation n’atteigne le stade où des interventions de la Direction de la Protection de la Jeunesse (DPJ) deviennent nécessaires.

Les chiffres : un indicateur inquiétant

Les données statistiques présentées lors du webinaire révèlent une situation préoccupante :

  • 1 enfant sur 5 sera évalué par la DPJ avant ses 18 ans;
  • 1 enfant sur 10 recevra des services de la DPJ durant sa jeunesse;
  • 1 enfant sur 20 sera placé en famille d’accueil avant ses 18 ans.

Ces chiffres, qui semblent alarmants, sont proches de ceux observés aux États-Unis, malgré des systèmes de santé publique fondamentalement différents. Cette situation met en évidence l’urgence d’un soutien renforcé dès les premières années de vie des enfants, avant même l’entrée à l’école, afin de réduire le besoin d’interventions curatives dans la vie des enfants en situation de vulnérabilité socioéconomique.

Miser sur une approche axée sur l’équité et la prévention

Pour André Lebon, l’une des clés de la solution passe par une meilleure compréhension des besoins des familles en situation de grande vulnérabilité. Grâce à l’analyse des données, collectée par l´indice socioéconomique créée par Esposito, il est possible d’identifier précisément où les interventions sont nécessaires et d’adapter les services en conséquence.
Selon Lebon, il est impératif de rehausser l’intensité des services destinés à répondre aux besoins des enfants dès leur plus jeune âge. En outre, il est crucial de soutenir les organismes communautaires qui travaillent en prévention et en dépistage des besoins, et de garantir la qualité des services de garde éducatifs à l´enfance.

Aux yeux d´André Lebon, il est plus économique et efficace de soutenir les enfants dès leur plus jeune âge, plutôt que d’attendre qu’ils arrivent à l’école avec des besoins non comblés, qui finiront par entraîner des coûts sociaux bien plus élevés. Il met l’accent sur l’importance de fonder les prises de décisions sociales sur des données concrètes ! Il en découlerait des interventions plus ciblées et des services de proximité qui répondraient mieux aux besoins des populations, et plus particulièrement à ceux des familles.

L’importance de la coordination et de l’accès aux services

Autant Torino Esposito, qu´André Lebon, ont souligné la nécessité d’une coordination renforcée entre les services afin de garantir l´accessibilité de ceux-ci pour tous!
Une approche réactive ne suffira pas : il est nécessaire de se concentrer davantage sur la prévention et de garantir des services de première ligne disposant d’outils et de ressources adéquats pour détecter le plus tôt possible les signes de précarité chez les familles. Comme l’a souligné Esposito, les iniquités entre les régions, notamment entre les zones urbaines et rurales, sont flagrantes : dans certaines régions rurales, la proportion d’enfants pris en charge par la DPJ est bien plus élevée qu’en milieu urbain, principalement en raison de la négligence et de l’isolement social.

L’espoir et l’action

M. Lebon conclut ce webinaire sur une note d´espoir : l’implication de figures telles que Lesley Hill, une personnalité clé ayant signée le rapport Laurent, donne une perspective nouvelle pour la mise en place de nouvelles politiques publiques.
Il réitère l´idée que La DPJ doit adoptée une posture préventive : en misant sur une approche fondée sur des données, l’accès à des services de proximité et un soutien familial renforcé, nous pourrons réduire les iniquités qui marquent aujourd’hui la vie des enfants vulnérables au Québec.


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