La fatigue de compassion et le trauma vicariant

En 2022, Pascale Brillon, PH. D., directrice de l’Institut Alpha à Montréal et professeure au département de psychologie de l’Université de Montréal, a tenu une conférence sur la fatigue de compassion et le trauma vicariant auprès des équipes de La Maison Bleue. 
Cet article résumant la formation et le guide de pratique se veut un rappel de la formation, et non un substitut. 

Qu’est-ce que le trauma vicariant? 

Le trauma vicariant survient lorsqu’une personne en intervention ayant entendu le ou les récits/traumas de la clientèle, vit elle-même des effets négatifs.
Ces effets peuvent prendre différentes formes, par exemple : des images intrusives, de l’anxiété, de la colère, de l’insomnie, ou même l’utilisation de substances pour réduire les autres effets négatifs.
 

Qu’est-ce que la fatigue de compassion? 

La fatigue de compassion ou compassionnelle survient lorsqu’une personne en intervention, exposée au vécu douloureux de la clientèle, développe un sentiment de grande impuissance, un sentiment d’incompétence, une impression d’être vidée sur le plan émotionnel, et même une remise en question des croyances, sa vocation et le sens de la vie. 

Reconnaître le stresseur et son impact

En tant que personne en intervention auprès d’une clientèle en situation de vulnérabilité, nous faisons face à différents stresseurs au quotidien. Voici quelques exemples : 

  • clientèle qui souffre; 
  • personne en situation de détresse; 
  • de l’hostilité, de l’agressivité; 
  • clientèle qui remet entre nos mains la responsabilité de son bien-être. 

Il y a également des stresseurs liés à la nature du travail, comme le poids énorme des responsabilités, l’isolement, l’obligation de confidentialité et de retenue. Les personnes en intervention peuvent aussi posséder des caractéristiques qui influencent leur expérience, telles que :  

  • une grande compassion; 
  • une capacité à créer un contact émotionnel fort; 
  • une capacité à la remise en question, etc. 

Pour reconnaître les stresseurs, il faut porter attention aux indices ressentis sur les plans émotionnel, cognitif, spirituel et physique.  

On peut se poser ces questions : 

  • Est-ce que je me sens hypersensible en ce moment, est-ce que je ressens de l’anxiété? 
  • Est-ce que je me sens à bout? 
  • Ai-je de la difficulté à me concentrer? 
  • Est-ce que j’oublie des choses plus qu’avant, fais-je des erreurs? 
  • Suis-je plus intolérant.e vis-à-vis des autres (mes collègues, la clientèle)? 

Le développement de la fatigue de compassion et du trauma vicariant 

Plusieurs éléments entrent en jeu dans le développement de ces deux conséquences.  

La surcharge émotionnelle est multipliée par le contact intense que la personne, en intervention, peut avoir avec la personne demandeuse de services. De plus, la tendance au mimétisme corporel, le contre-transfert et des frontières floues ou même absentes entre personne intervenante et bénéficiaire sont d’autant plus de facteurs d’aggravation de la surcharge émotionnelle. 

Les détails des traumas vécus par la clientèle s’insèrent également dans notre univers cognitif et peuvent induire de la peur ou de l’impuissance, comme si le trauma pouvait devenir la réalité de l’intervenant.e.

Des facteurs de risque liés au travail viennent également affecter l’équilibre : un contexte de travail difficile, des horaires atypiques, un manque de formation, de l’isolement ou un manque de pouvoir organisationnel. Des caractéristiques propres à l’intervenant.e vont aussi jouer en sa défaveur, par exemple : une mauvaise connaissance de ses limites, un sur-investissement professionnel et une méconnaissance des auto-soins. 

Les facteurs de risque s’accumulent et mènent ainsi au développement du trauma vicariant ou de la fatigue compassionnelle. Ce processus dépend de la personne, de son contexte de travail, de son contexte de vie personnelle. C’est pourquoi, il est important de reconnaître les signes chez soi, mais également chez nos collègues. 

Stratégies préventives 

On peut diviser les stratégies de prévention en six thèmes. 

Mieux se connaître soi-même:

  • se demander son état au quotidien; 
  • maintenir un contact avec son monde intérieur; 
  • faire un scan de soi après une intervention; 
  • évaluer son état après le travail; 
  • évaluer ses besoins. 

Un processus émotionnel sain :

Les étapes pour un processus émotionnel sain sont le ressenti, l’identification et l’appropriation, l’acceptation puis l’expression. Ainsi, on reconnait d’abord ce qu’on ressent, par exemple à la fin d’une journée ou entre nos interventions. On identifie ses émotions, leur intensité (est-ce trop?) et on accepte le fait d’avoir le droit de les ressentir. Puis on apprend à nommer non seulement nos émotions, mais également nos besoins, nos limites, nos frontières et ce qu’on peut faire pour doser notre ressenti. 

Mesurer l’impact sur notre monde cognitif:

Il s’agit ici de reconnaitre l’impact sur nos croyances, nos perceptions, nos pensées.
Est-ce que celles-ci ont changé? Est-ce que ces changements sont inquiétants ou décevants?
Est-ce que la frontière entre la perception du monde de nos clients et la nôtre commence à s’effriter?
 

Les auto-soins:

Les auto-soins sont des mesures délibérées pour préserver et améliorer le bien-être physique, mental et émotionnel. Faire des pauses, prendre le temps de se former et de réfléchir, faire de la supervision clinique, limiter le nombre de cas par jour et entretenir son identité d’équipe de soins et de services sont des stratégies personnelles et organisationnelles qui peuvent aider les intervenant.e.s à prendre soin d’eux et d’elles. 

S’apaiser corporellement: 

Il s’agit ici d’utiliser des techniques pour réduire les impacts physiques de la lourdeur du travail. On peut penser à la respiration diaphragmatique, des activités de détente (yoga, méditation) ou de l’exercice physique. 

Entretenir son réseau de soutien:

Entretenir son réseau de soutien permet à la personne en intervention de ne pas se sentir isolée dans sa situation et lui permet de déléguer en temps opportun. Un réseau s’entretient et se soigne, mais il peut également se révéler une source d’attentes irréalistes ou être dévalorisant. Par conséquent, il faut distinguer les relations aidantes. 

La satisfaction de la compassion 

Le travail d’intervention peut apporter une grande satisfaction. En effet, cela peut donner un sens à la vie, aider à vivre en concordance avec nos valeurs ainsi que renforcer notre capacité d’émerveillement et de gratitude.  

Grilles d’observation 

Dans le document de formation, vous trouverez différentes grilles d’observation pour mieux vous connaître, reconnaître les indices de stress et en évaluer l’intensité, ainsi que des informations sur l’intolérance à l’incertitude et le trouble d’anxiété généralisée.  

Pour aller plus loin

👉 Manuel de formation : Fatigue de compassion et trauma vicariant

👉 Fiche de Dre Brisson – auteure et formation : Fatigue de compassion et trauma vicariant : quand la souffrance de nos patients nous bouleverse

👉 Ouvrages

  • Brillon, P. (2010). Comment aider les victimes souffrant de stress post-traumatique (Guide à l’intention des thérapeutes). (4e édition) Éditions Quebecor
  • Brillon, P. (2012). « Embrasser la vie », dans Quand la mort est traumatique: Passer du choc à la sérénité. Éditions Quebecor