Dossier thématique

L'impact des abus sexuels sur la grossesse et l'allaitement

L’impact des abus sexuels sur la grossesse et l’allaitement est un sujet de préoccupation majeure en périnatalité sociale. Selon une étude menée par Statistique Canada, environ une femme sur trois a subi de la violence au cours de sa vie, et beaucoup de ces cas incluent des abus sexuels (Statistique Canada, 2019).

Ces expériences traumatisantes peuvent engendrer des effets psychologiques et physiologiques profonds qui influencent non seulement la santé des femmes, mais aussi leur expérience de l’ensemble de la période périnatale ainsi que la santé de leur bébé. Même sans souvenirs conscients d’un abus sexuel, celui-ci peut avoir des conséquences importantes. Les changements physiques et identitaires liés à la grossesse et à la maternité peuvent rendre les femmes plus vulnérables à la remémoration de l’agression et à une retraumatisation.  

Le rôle du personnel, professionnel en périnatalité, est donc crucial pour éviter ce phénomène et permettre aux femmes de reprendre le contrôle de leur histoire. 

Le présent dossier veut informer le personnel en périnatalité sociale des notions de base pour réduire l’impact des abus sexuels en période périnatale, mais également de l’informer des outils et ressources disponibles pour soutenir leurs interventions. 

Les impacts possibles du traumatisme 

Santé physique et mentale 

Les femmes ayant subi des abus sexuels peuvent éprouver des troubles émotionnels tels que l’anxiété, la dépression et le stress post-traumatique, compromettant ainsi la santé de leur grossesse. De plus, le stress chronique peut contribuer à des complications obstétricales comme la prématurité et le faible poids à la naissance, mais également affaiblir le système immunitaire de la mère, ses taux hormonaux, etc. Cela affecte la santé globale de la mère, mais également celle du fœtus et même la production de lait maternel post partum.  

La retraumatisation 

La retraumatisation, elle, se produit lorsque la femme est envahie par ses souvenirs, activant des schémas neuronaux similaires à ceux vécus lors de l’agression. Les examens pelviens, les poussées, l’allaitement au sein ou les examens des seins peuvent déclencher ces souvenirs. En conséquence, les femmes ayant vécu des abus sexuels sont plus susceptibles d’avoir un suivi de grossesse inadéquat, de vivre une grossesse à risque élevé, d’expérimenter des complications lors de l’accouchement (travail long, accouchement assisté, césarienne), de souffrir de troubles de santé mentale, et de développer un lien parent-enfant altéré affectant le bien-être de la mère et la santé du bébé à long terme.  

Le sentiment de compétences parentales 

Des recherches menées sur des mères ayant subi des abus sexuels dans l’enfance ont aussi démontré que ce trauma impacte le sentiment de compétences parentales des mères affectées. Si ces impacts s’expriment ensuite sur l’enfant, cela ne fait que renforcer le sentiment d’incompétence de la mère. Il est donc important de considérer  les expériences et traumas vécus dans l’enfance chez la mère, notamment les abus sexuels, dans les interventions en période périnatale et petite enfance pour pouvoir un service et un soutien vraiment adaptés. 

Le projet STEP de l’Université du Québec à Trois-Rivières a développé différentes capsules d’information sur les liens entre trauma et parentalité, qu’on parle d’abus physiques, psychologiques et/ou d’abus sexuels. En tout, 9 capsules vous sont proposées pour approfondir différents aspects du lien entre trauma et parentalité. Une capsule (dernière indiquée dans la liste) vise spécifiquement les personnes en intervention auprès de cette clientèle. Les capsules disponibles sont:

  • Qu’est-ce que le traumatisme interpersonnel?
  • Quelles sont les répercussions des traumatismes interpersonnels?
  • Comment les traumatismes interpersonnels peuvent-ils teinter l’expérience d’être parent?
  • Que sait-on des enfants de parents ayant vécu des traumatismes interpersonnels?
  • Comment comprendre la transmission du risque associé aux traumatismes interpersonnels?
  • Comme parent, est-il possible d’offrir ce qu’on n’a pas reçu?
  • Qu’ont de particulier les parents qui s’adaptent bien au rôle de parent malgré un vécu de traumatismes interpersonnels?
  • Que peuvent faire les parents ayant vécu des traumatismes interpersonnels afin de favoriser leur bien-être et celui de leurs enfants?
  • Comment les intervenants peuvent-ils soutenir les parents ayant vécu des traumatismes interpersonnels?

Comment dépister dans le cadre de vos interventions?

Plusieurs indices peuvent vous mettre sur la piste, bien que ceux-ci ne soient pas spécifiques à un passé d’abus sexuels.

Si vous remarquez certains de ces indices, cela peut être l’occasion de vous pencher sur la cause de ces comportements avant de poser des conclusions.

Voici quelques indices observables chez la personne:​

Briser le contact ou se “déconnecter”, par exemple visuellement, de la personne en intervention

Annuler des rendez-vous de suivi

Être agitée ou trop docile par exemple lors des examens physiques

Malaise et inconforts physiques

Des conseils pour les personnes en intervention 

Une communication ouverte et empathique peut vous aider à mieux comprendre les facteurs qui influenceront l’expérience périnatale de la personne suivie. Une personne en intervention peut adresser les symptômes en démontrant une ouverture à accueillir toute histoire vécue et la cause de ces symptômes. 

Il est possible de demander directement à la femme enceinte si, à sa connaissance, elle a vécu des abus sexuels dans le passé, selon son jugement professionnel. Il est important par contre de s’assurer d’être en mesure de soutenir la personne selon sa réaction. Il se pourrait que vous considériez inopportun d’adresser la question directement; dans ce cas, confirmer votre ouverture à accueillir la femme et son histoire. Il est également fort possible qu’une femme ayant vécu ce trauma ne soit pas au courant des impacts possibles sur sa santé, ou qu’elle ait l’impression que tout le monde “sait” ce qui lui est arrivé.  

Quelques pistes pour adapter votre intervention

 

  • Respecter les réactions de la femme 
  • Informer la femme de sa disponibilité à répondre aux questions sans énumérer tout son savoir sur, par exemple, tous les impacts possibles sur la grossesse 
  • Demander l’accord avant de poser un geste, une action 
  • Établir un plan en cas de retraumatisation et tenter de discerner les déclencheurs possibles, les stratégies aidantes pour la femme et définir un code pour mettre sur pause une intervention retraumatisante 
  • Valider la détresse et l’inconfort 

Consultez l’infographie Réduire les impacts d’un traumatisme sexuel sur la grossesse, l’accouchement et l’allaitement de l’ASPQ pour plus de stratégies pour soutenir votre intervention auprès de femmes ayant vécu des abus sexuels.

Ressources

Sources scientifiques

Delhalle, Manon & Blavier, Adelaide. (2023). Le sentiment de compétence parentale des mères victimes d’abus sexuel(s) infantile(s) : un modèle structural. Neuropsychiatrie de l'Enfance et de l'Adolescence. 71. 10.1016/j.neurenf.2023.05.003.

Field T. (2017) Prenatal anxiety effects: A review. Infant Behav Dev. Nov;49:120-128. doi: 10.1016/j.infbeh.2017.08.008. Epub 2017 Sep 5. PMID: 28886563.

Statistique Canada. (2019). Statistiques sur la violence à l'égard des femmes.

Society of Obstetricians and Gynaecologists of Canada (SOGC). (2019). Position Statement on Intimate Partner Violence.